Quelque part ce soir, un homme joue une musique venant d’ailleurs, et pourtant universellement nôtre. Cet homme, comme ceux qu’il estime être ses héros, est modeste et inconnu de beaucoup. Mais où qu’il passe, il laisse dans son sillage un peu plus que ses notes, un peu plus que les mots de cette langue étrangère dans laquelle il chante… Il laisse un souffle, une respiration à ceux qui l’ont écouté… Et même si ceux-ci ne sont pas forcément connaisseurs, ils savent recevoir cette musique, l’écouter et savourer la performance de l’artiste comme on le ferait d’un plat rare…
C’est comme un parfum, quelque chose d’irréel qui entre en scène à sa suite, comme s’il n’avait traversé ses épreuves que pour pouvoir dire à ceux qui viennent l’écouter que toutes les difficultés et les bonheurs qu’il a fait siens sont forcément un peu les leurs. Quand il ente en scène pour jouer, c’est comme s’il parlait pour eux. Car même sans forcément comprendre les mots qu’il chante, son rythme intérieur leur transmet l’essentiel et c’est pour cela qu’ils se souviennent de lui… Non pas de l’image d’Epinal, mais plutôt du plaisir tangible d’avoir entendu, non seulement un artiste authentique mais aussi et surtout, un peu de leur propre voix.
Il est rare qu’un homme soit une légende de son vivant. Lui l’est pourtant, mais de manière modeste, sans vraiment le savoir, à l’échelle de la musique qui le porte. Ce n’est pas seulement ce qui l’a construit qui le rend légendaire mais plutôt le fait qu’il est simplement lui-même, sans artifice et donc identifiable sans code, sans lexique, sans mode d’emploi. Il n’a qu’un seul désir, jouer sa musique. Pour cela, il a tout gagné mais il a aussi su tout perdre, et a même failli ne pas en revenir. Cependant, il demeure parmi nous pour jouer le blues, sa musique, à la fois presque disciple et presque maître. Oui, Magic Buck est une légende pour tous ceux qui le croisent, tant pis s’ils sont peu nombreux. L’important demeure que ceux qui l’écoutent, jamais, jamais ne l’oublient.
Manuel Manuto Destanque